Les autorités vietnamiennes demandent à Google, Facebook et d’autres compagnies du web de les aider dans la censure numérique

Share on facebook
Share on google
Share on twitter
Share on whatsapp
Share on email
Share on print
Share on facebook
Share on google
Share on twitter
Share on whatsapp
Share on email
Share on print

11 avril 2012

Duy Hoang, Angelina Huynh, Trinh Nguyen

Les faits

Le gouvernement vietnamien est en train d’apporter des modifications à sa politique de gestion d’internet impliquant de graves conséquences pour les internautes et les sociétés de services internet étrangères et nationales qui fournissent les 30 millions d’utilisateurs du pays.

Dans un projet de décret du Premier Ministre à paraître en juin, les internautes auront l’obligation d’utiliser leur véritable identité et une grande gamme d’activités leur sera interdite d’accès. Les compagnies internet auront l’obligation d’aider le gouvernement à faire respecter ces nouvelles restrictions.

Le changement le plus important affecte les compagnies internet étrangères. Celles-ci seront soumises aux dispositions du nouveau décret et pourraient être amenées à transférer leurs bases de données et à établir des bureaux locaux au Vietnam. Ces nouvelles règles pourraient avoir de graves conséquences pour des sociétés telles que Google et Facebook qui sont utilisées par des millions d’internautes au Vietnam, mais qui n’ont aucun bureau dans le pays.

Le projet de décret que Viet Tan s’est procuré est intitulé « Décret sur la Gestion, l’Approvisionnement, l’Utilisation des Services Internet et le Contenu de l’Information en Ligne ». Comme beaucoup de directives gouvernementales au Vietnam, la rédaction du document est vague et imprécise, ce qui peut conduire à de multiples interprétations et à son exécution arbitraire par les autorités.

Cette nouvelle loi remplacera le Décret 97/2008/ND-CP décrété par le Premier ministre Nguyen Tan Dung en août 2008.

Le Ministère de l’Information et de la Communication ainsi que le Ministère de la Sécurité publique seront responsables du maintien de l’ordre sur internet. Alors qu’officiellement le décret est un document gouvernemental, il apparaît que le Parti Communiste vietnamien est lui aussi impliqué dans la formulation des textes du contrôle de l’internet. En plus des divers organes gouvernementaux, le Secrétariat du Parti Communiste et le Comité Central sont sur la liste de distribution relative au décret.

Les dispositions majeures du décret

Vous trouverez ci-après certaines dispositions de la nouvelle règlementation affectant la liberté d’internet au Vietnam :

1. Véritable identité

Il est « strictement interdit » aux internautes de fournir des données personnelles factices. Cette règle implique que les journalistes citoyens ne pourront pas utiliser de pseudonymes, interdisant ainsi toutes formes de blog ou de discussion anonyme.

2. Activités en ligne interdites

Le projet de décret énumère un large éventail d’activités qui sont interdites sur le net. Ces interdictions incluent « l’abus d’internet » aux fins de s’opposer au gouvernement socialiste, « révélation de secrets gouvernementaux » et « diffusion d’informations calomnieuses » nuisibles aux organisations et aux personnes.

La rédaction sévère du décret rend totalement illégal le fait de publier quoi que ce soit sur le net qui serait à l’encontre du Parti Communiste Vietnamien et de l’Etat, de sa politique ou de ses dirigeants.

3. Compagnies internet étrangères

Les entreprises basées à l’extérieur du Vietnam et fournissant « des plateformes numériques de réseau social » telle que blog, forums de discussion, tchat et autres services similaires sont obligés de « fournir des informations et de coopérer avec les agences gouvernementales vietnamiennes » afin de sanctionner les activités interdites par le décret (critiquant par exemple le gouvernement).

Le projet de texte semble exiger que les sociétés internet basées à l’étranger doivent héberger au Vietnam leurs serveurs contenant les données utilisateurs vietnamiens. D’après ce que nous avons pu lire, il est difficile de savoir si cette exigence (i) est là pour offrir des services localisés au Vietnam ou (ii) conditionne l’ouverture et l’exploitation d’un bureau local au Vietnam.

Les comptes-rendus publiés dans les médias d’état sont un peu plus clairs sur la question. D’après des articles récents du journal Thanh Nien (la Jeunesse) et Dan Tri (L’Intellectuel), les entreprises étrangères doivent être installées et avoir leurs bases de données au Vietnam.

En bref, les autorités de Hanoi redoublent d’efforts pour forcer les entreprises étrangères à travailler selon les lois vietnamiennes.

4. Dispositions relatifs aux blogs et sites internet

Tous les sites web d’informations doivent être approuvés par les autorités et adhérer aux lois relatives à la presse locale en vigueur. Les administrateurs de site web doivent posséder la technologie nécessaire pour exploiter leurs sites selon les conditions du décret, ce qui inclut rendre compte aux autorités de tous les cas d’activités interdites.

Les blogs et sites internet qui ne respecteraient pas les directives peuvent être fermés par le Ministère de l’Information et de la Communication.

Selon le projet de décret, il n’y a aucune obligation de déclarer les blogs personnels mais les blogueurs doivent publier sous leur nom et donner leurs coordonnées exactes. Les blogueurs ne sont pas autorisés à avoir « des activités interdites » et seront tenus personnellement responsables de tout le contenu publié sur leurs blogs.

Les conséquences

1. Liberté d’internet et responsabilité sociale des entreprises

A ce jour, aucune grande compagnie internet étrangère n’a choisi d’installer ses bases de données au Vietnam. Cette sage décision commerciale a permis à des sociétés telles que Yahoo, Google, Microsoft et Facebook d’éviter de respecter la censure du gouvernement de Hanoï tout en attirant des millions d’internautes vietnamiens.

Exiger des entreprises étrangères qu’elles transfèrent leurs bases de données voire leurs serveurs au Vietnam ne peut que nuire aux affaires et pose des défis logistiques et techniques considérables. Au pire, cela peut décourager les sociétés de s’implanter au Vietnam, laissant moins de choix aux utilisateurs.

Il n’y a aucune raison de se plier aux nouvelles restrictions relatives à internet au Vietnam. Nous exhortons les sociétés Internet à s’opposer à ce décret et à continuer à fournir des plateformes en ligne au marché vietnamien en accord avec la responsabilité sociale de leur entreprise.

2. Répression par la loi

La nouvelle règlementation relative à internet est un autre exemple de « répression par la loi » au Vietnam. Selon le projet de décret, les gens « ont accès à tous les services internet, sauf les services interdits par la loi ». Ce raisonnement circulaire démontre l’effort du gouvernement de Hanoï de donner une justification légale aux restrictions arbitraires à la liberté d’expression.

3. Questions de libre-échange

La censure d’internet touche également le monde des affaires. En imposant des restrictions sur les pratiques commerciales des sociétés internet étrangères (principalement américaines), le gouvernement vietnamien crée des barrières commerciales. L’Organisation Mondiale du Commerce — dont le Vietnam est membre, et le Partenariat Trans-Pacifique — que les États-Unis sont en train de négocier avec le Vietnam et d’autres pays, peuvent en être affectés. Conclusion

Cité comme « ennemi d’internet » par Reporters sans Frontières, le gouvernement vietnamien est régulièrement listé par les organismes internationaux des droits de l’homme comme l’un des pires contrevenants à la liberté sur internet.

La cascade de censure d’internet du gouvernement de Hanoï va de la censure en ligne à la censure hors ligne : harcèlement et détention de blogueurs ; propagation de logiciels malveillants pour espionner les utilisateurs d’internet ; blocage d’accès à Facebook et à d’autres sites de réseau social ; et attaque et piratage informatique contre les sites de langue vietnamienne hébergés à l’extérieur du pays.

Avec la ferme volonté du peuple vietnamien d’aller sur les pages d’information et les réseaux sociaux du web, la politique du gouvernement de Hanoï de fermer l’accès à internet indique que le large éventail de restrictions d’internet est difficile à mettre en œuvre dans la pratique et nuit aussi bien aux fournisseurs d’accès qu’aux utilisateurs eux-mêmes. Citons encore l’exemple récent du « barrage vert » des autorités vietnamiennes exigeant qu’un logiciel de contrôle soit installé dans tous les espaces publics de Hanoï. Ce barrage n’a pu être appliqué ou dans très peu d’endroits.

Alors que le gouvernement vietnamien vise à étendre sa censure sur internet, il est temps que les défenseurs des droits de l’homme et les internautes du monde entier soutiennent la liberté d’internet au Vietnam.


A propos de Viet Tan

La mission de Viet Tan est de mettre fin à la dictature, construire les fondements pour une démocratie durable, demander la justice et les droits de l’homme pour le peuple vietnamien à travers une lutte non violente, basée sur la participation civile.

Pour plus d’information concernant la campagne de Viet Tan sur la liberté d’internet, n’hésitez pas à visiter notre site : www.viettan.org/liberte-internet.

Share on facebook
Share on google
Share on twitter
Share on whatsapp
Share on email
Share on print

Derniers articles

Action collective pour les îles Paracel et Spratly

Aujourd’hui, la communauté internationale s’accorde à dire que la République populaire de Chine mène des actions de plus en plus agressives dans la région indo-pacifique, notamment en mer de Chine méridionale. Ces hostilités ont commencé il y a 49 ans avec l’invasion chinoise des îles Paracels (Hoàng Sa) le 19 janvier 1974,