L’environnement sera-t-il la cause de la chute du gouvernement vietnamien ?

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Les manifestations environnementales sont un défi difficile pour le régime communiste.

Par David Hutt

Les militants activistes et les prisonniers de consciences

Pendant des années, Tran Thi Nga a été harcelée et brutalisée par les autorités vietnamiennes, les détails de son calvaire ont été révélés dans le nouveau rapport de Human Rights Watch publié plus tôt cette année. Elle a finalement été arrêtée en janvier pour avoir utilisé “Internet pour publier un certain nombre de clips vidéo et d’articles destinés à la propagande contre la République socialiste du Vietnam “, selon la désignation des médias officiels vietnamiens.

La vérité est qu’elle a participé à un certain nombre de manifestations écologiques et a fait preuve de solidarité avec les victimes en les rencontrant chez eux et en partageant leurs épreuves.

Elle n’est pas la seule. En l’espace de quelques semaines, les autorités vietnamiennes ont également arrêté Nguyen Van Oai, un ancien prisonnier politique, et Nguyen Van Hoa, militant des droits de l’homme qui a fait campagne contre la catastrophe environnementale de Formosa. Quelques mois plus tôt, les autorités vietnamiennes avaient arrêté Nguyen Danh Dung ; Les blogueurs Ho Hai, Nguyen Ngoc Nhu Quynh et un certain nombre de montagnards de la minorité Dega. Selon Human Rights Watch, il existe au moins 112 blogueurs et militants qui purgent des peines d’emprisonnement lourdes pour avoir « abuser » de leur liberté d’expression.

L’environnement, un combat qui prend de plus en plus d’ampleur

Ce qui frappe, c’est que de nombreux militants des droits civiques au Vietnam ont concentré, au cours de ces dernières années, leur campagne sur les problèmes environnementaux. Pourquoi ? Tout d’abord, parce que c’est devenu un problème majeur dans le pays. En avril 2016, d’importantes manifestations ont eu lieu, au Vietnam, après un déversement toxique de l’usine sidérurgique de Formosa, rejetant près de 70 tonnes de poissons morts sur plus de 200 kilomètres du littoral vietnamien.

Dans les colonnes du numéro du 18 au 24 février 2017 de The Economist, Banyan avait décrit des milliers de poissons morts échoués sur les plages de Dong Hoi durant toute l’année 2016. Aujourd’hui, les habitants ont peur de consommer du poisson, le nombre de touristes est en forte baisse, les investissements ont presque cessé et les pêcheurs ont le plus grand mal à subvenir aux besoins de leurs familles.

Mais ailleurs, la situation environnementale ne semble pas être meilleure. La pollution gagnerait une grande partie du pays – la construction de barrages a aussi entrainé l’érosion du delta du Mékong ; alors qu’avec le réchauffement climatique, Saigon pourrait bien se retrouver sous les eaux d’ici la fin du siècle.

Fait intéressant qui expliquerait la poussée de la protestation écologique est que l’environnement est l’un des rares problèmes qui transcende toutes les divisions. Il unit les pauvres pêcheurs ruraux et les libéraux urbains plus aisés ; Les consommateurs et producteurs ; Les démocrates et les socialistes. C’est aussi la raison pour laquelle il est devenu une question cruciale à traiter pour le gouvernement vietnamien.

Celui-ci a bien cherché à limiter les dommages environnementaux. En théorie, il existe, au Vietnam, des lois « vertes » encore plus restrictives sur le papier que la législation Chinoise. Le pays prévoit également de réduire la part du carbone dans son économie. Cependant, ces tentatives écologiques gouvernementales échoueront. L’environnement, plus que d’autres sujets, révèle les problèmes fondamentaux du régime communiste vietnamien. En effet, sous une complexité apparente, la politique du Vietnam est plutôt simple : sans élections, ni engagement public significatif, la légitimité du gouvernement repose sur la croissance économique du pays. Mais les préoccupations environnementales actuelles remettent sévèrement en cause cette légitimité.

Hashtag #IchooseFish

Un comble : le gouvernement a ainsi longtemps prétendu que les militants sont payés par les puissances étrangères pour propager de fausses informations discréditant le parti communiste, alors que les événements récents mettent la lumière sur un gouvernement qui défend les puissances étrangères accusés de détruire et contaminer l’environnement.

Plus important encore, pour soutenir la croissance économique, le gouvernement vietnamien a besoin des investissements étrangers, principalement de la Chine, peu préoccupé par les dégâts écologiques qu’ils causent (les gens de Dong Hoi le savent très bien).

Un porte-parole de Formosa, basée à Taiwan, avait déclaré que « les Vietnamiens devaient choisir entre le poisson ou une industrie de l’acier moderne mais qu’ils ne pouvaient pas avoir les deux ». Les gens ont alors massivement choisi de privilégier la pêche plus tôt qu’une entreprise qui détruit leur environnement. Dès lors, le hashtag #IchooseFish. est devenu très populaire sur les réseaux sociaux.

La décentralisation du pouvoir du parti communiste

Même si le gouvernement central du Vietnam a décidé de freiner la destruction de l’environnement, elle se bat contre un monstre qu’elle a créé. L’un des piliers du Doi Moi, commencé en 1986, était la Décentralisation, le déplacement du pouvoir du centre vers les provinces. Cependant, dès 2004, dans sa Résolution 08, il était clair que les choses ne se passaient pas comme décider. « La conception et la compréhension des politiques et l’application de la décentralisation sont peu claires, incohérentes et disparates entre le gouvernement central et les autorités provinciaux », soulignait déjà la résolution.

On ne peut s’attendre à plus de détails de la plume d’un apparatchik. Néanmoins, il est clair que, dès 2004, le gouvernement était conscient de ses propres erreurs. En dépit de cela, la décentralisation fut toujours entachée par ses incompatibilités fondamentales avec le régime.

Comme l’écrit Vu Thanh Tu Anh, directeur de la recherche au Fulbright Economics Teaching Program à Ho Chi Minh ville, dans un article de 2016, “Vietnam : La décentralisation au milieu de la fragmentation” :

    La décentralisation nécessite un changement fondamental dans le rôle de l’État, du planificateur social et du décideur au facilitateur et au législateur. Cependant, dans un tel système hiérarchique et unitaire comme au Vietnam, ce changement n’est jamais simple puisqu’il s’agit non seulement de changer l’organisation interne du gouvernement, mais cela touche aussi à son pouvoir intrinsèquement et discrétionnaire.

Tu Anh a prévenu que « l’autonomie croissante des gouvernement locaux ne garantissait pas en lui-même plus de responsabilité public ». On pourrait même dire le contraire car la responsabilisation n’a jamais été un facteur premier de gouvernance au Vietnam. Sans la Démocratie, qui peut demander des comptes aux politiciens vietnamiens ? En particulier, à ceux qui sont placés au plus haut de la pyramide ?

Mais la décentralisation affaiblit la chaîne hiérarchique, créant un pays de petits chefs, comme déplorent certains analystes – avec le phénomène de « localisme et régionalisme » souligné par les autorités en 2004. Cette inefficacité a été moquée par The Economist. “Alors qu’à Pékin on ferme des usines et on limite l’utilisation de la voiture pour combattre le brouillard de pollution ; les grands décideurs de Hanoi en sont encore à empêcher les scooters de stationner sur les trottoirs”.

C’est ainsi que nous aboutissons à une situation où le gouvernement central peut introduire toutes les lois écologiques qu’il veut sans que les politiciens au niveau provincial n’y prêtent la moindre attention. En effet, beaucoup se sont enrichis en ignorant les règlements. Les seules solutions seraient de renforcer l’action du commandement central, remettant en cause 4 décennies de décentralisations ou essayer de réformer en profondeur les administrations provinciaux, ce qui semble loin d’être évident. Par facilité, le gouvernement vietnamien est revenu à ce qu’il sait faire le mieux : Museler la dissidence, et continuer comme si de rien n’était.

Source : The Diplomat

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