En période difficile, la dissidence ouverte et la répression augmentent au Vietnam

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23 avril 2013

Thomas Fuller

HO CHI MINH VILLE, Vietnam — Ses étagères regorgent des œuvres complètes de Marx, Engels et d’Ho Chi Minh, marques d’une longue carrière au sein du Parti communiste, mais Nguyen Phuoc Tuong, 77 ans, dit qu’il n’y croit plus. M. Tuong a été conseiller de deux premiers ministres. Mais, aujourd’hui, comme tant d’autres personnes au Vietnam, ses propos sont très durs contre le gouvernement. “Notre système est maintenant la règle totalitaire d’un parti”, dit-il au cours d’un entretien dans son appartement de la périphérie de Hô Chi Minh-Ville. “Je suis issu du système — Je connais tous ses défauts, ses lacunes, je comprends sa déchéance”, dit-il. “Si on ne fait rien, le système s’effondrera de lui-même”.

Le parti qui a triomphé des Vietnamiens du Sud et des forces américaines en 1975 est confronté à la colère de son peuple qui fait face à une économie qui s’effondre ; et à des conflits opposant les conservateurs qui veulent maintenir les principes du socialisme qui guident le pays et garder le monopole du pouvoir contre ceux qui appellent à un système plus pluraliste et complètement capitaliste. Le plus important peut être est que le parti lutte contre une société qui est mieux informée et plus critique à cause des informations et des opinions répandues sur le net, contournant les médias contrôlés par l’État.

Depuis la réunification du pays il y a 38 ans, le Parti communiste a connu les conflits avec la Chine et le Cambodge, les crises financières et les luttes internes. La différence aujourd’hui, selon Carlyle A. Thayer, l’un des principaux spécialistes du Vietnam à l’étranger, est que la direction du Parti est critiquée “à tous les échelons de la société”.

Dans un environnement par ailleurs totalitaire, les divisions au sein du parti ont en réalité contribué à encourager la liberté d’expression parce que chacun désire calomnier l’autre, dit Dr. Thayer.

“Il y a une contradiction au Vietnam” dit-il. “La dissidence est en plein essor, mais en même temps, la répression aussi”.

Alors que les voix dissidentes se multiplient dans la population de 92 millions de Vietnamiens, le gouvernement essaie de sévir. Les tribunaux ont envoyé de nombreux blogueurs, des journalistes et des activistes en prison, pourtant la critique, notamment en ligne, semble se poursuivre. Le gouvernement bloque certains sites internet, mais beaucoup de Vietnamiens utilisent des logiciels ou des sites web pour contourner la censure.

“Beaucoup plus de gens qu’auparavant essaient de donner leur point de vue, critiquant le gouvernement” dit Truong Huy San, un écrivain, journaliste et célèbre blogueur. “Et ce qu’ils disent est bien plus grave.” M. San, parrainé par Harvard, est l’auteur du livre “Le côté gagnant”, qui est peut-être la première histoire critique et compréhensive concernant le Vietnam depuis 1975, écrite par quelqu’un de l’intérieur du pays. Ce livre beaucoup lu au Vietnam et composé de deux volumes a été écrit sous son pseudonyme Huy Duc. Il a été imprimé sans l’autorisation du gouvernement et décrit des comportements tels que les purges des membres déloyaux du parti et la saisie des biens des chefs d’entreprise du Vietnam du Sud.

Pour le visiteur occasionnel au Vietnam qui ne voit que la surface apparente du progrès économique, il peut être difficile de comprendre le pessimisme profond que beaucoup de gens ressentent dans le pays. Des millions de gens qui il y a une décennie n’avaient que des vélos roulent maintenant à toute vitesse sur des scooters pour se rendre aux usines ou à leurs bureaux.

L’économie a fleuri dans les années 1990 après des réformes qui ont donné naissance au Vietnam à un mélange maladroit d’une économie de marché étroitement chaperonnée par le Parti communiste. Même maintenant, l’économie vietnamienne maintient une croissance d’environ 4 à 5 pour cent pour cette année, en partie grâce aux importantes exportations de riz, de café et d’autres produits agricoles.

Mais le marché immobilier est congestionné, les banques font face à des créances douteuses, les journaux publient des articles sur la hausse du chômage et le pays a été classé parmi les pays les plus corrompus au monde par Transparency International, une organisation qui lutte contre la corruption. (Le pays figure au 123ème rang parmi les 176 pays figurant au classement. Les pays comprenant les plus petits chiffres étant les moins corrompus.)

Les hommes d’affaires vietnamiens se plaignent de la règlementation sévère du gouvernement imposée par un parti qui croit pouvoir devancer les entreprises capitalistes.

Et beaucoup disent que le Vietnam est désemparé, malgré son apparente industrialisation et sa population jeune.

“Depuis 21 ans que je suis ici, je n’ai jamais connu un tel niveau de désillusion envers le système et l’élite des intellectuels et des entrepreneurs”, dit Peter R. Ryder, le directeur général de Indochina Capital, une société d’investissements au Vietnam. “Il y a un débat très significatif dans les milieux d’affaires et le parti – des gens qui sont hyper préoccupés par la direction que le pays va prendre.” Au Forum Économique du printemps, une conférence qui s’est tenue début avril et qui est organisée par le comité économique de l’Assemblée nationale, les participants “se battaient pour pouvoir parler au micro” rapporte Dang Doanh, un économiste renommé qui a assisté au forum, qu’il a décrit comme “agité”.

Il rapporte que beaucoup critiquaient que l’économie avait besoin d’une profonde restructuration et que “quasi rien n’avait été fait”.

“C’est une crise de confiance”, dit M. Doanh. “Chaque année on nous promet des jours meilleurs, mais on ne voit rien”.

Le Premier Ministre Nguyen Tan Dung qui est au pouvoir depuis 2006 se trouve au centre de cet orage politique. La fougue de M. Dung et son ambitieux programme économique lui avaient valu de nombreux soutiens parce qu’il rompait avec le modèle de l’apparatchik du parti. Mais il s’est mis de nombreux membres du parti à dos quand il a dissout le comité consultatif qui était la force principale du programme de réforme (le comité comprenait M. Tuong, le lettré marxiste, ainsi que de très anciens membres du parti).

Plus important encore, la marque politique de M. Dung — son pouvoir de créer des sociétés gérées par l’État là l’instar des conglomérats privés de la Corée du Sud, s’est retournée contre lui.

D’après les économistes, ces sociétés, dirigées par des cadres qui ont des liens étroits avec la hiérarchie du Parti communiste, ont développé beaucoup d’activités qu’elles n’ont pas été en mesure de gérer. Ces sociétés ont spéculé sur le marché boursier et dans l’immobilier. Deux des plus grandes entreprises d’Etat se sont quasi effondrées et sont proches de l’insolvabilité.

M. Tuong, le lettré marxiste, affirme que les tensions au sein du Parti communiste se sont intensifiées du fait des problèmes de l’économie. En février, il a participé à l’écriture d’une lettre ouverte au Secrétaire général du parti, M. Nguyen Phu Trong, lui demandant d’apporter des changements à la Constitution du pays “assurant que le vrai pouvoir appartient au peuple”. Il n’a pas encore reçu de réponse.

M. Tuong dit que son désir d’apporter des changements date du temps où il était conseiller du Premier Ministre Vo Van Kiet, qui a aidé à restructurer l’économie dans les années 1990.

Mais aujourd’hui il a conscience du temps qui passe. Il est atteint d’un cancer, bien qu’il semble être en rémission, et il parle de la maladie comme une sorte de libération intellectuelle l’incitant à raconter ce qu’il considère maintenant comme la vérité.

“En résumé, Marx est un grand penseur” dit-il. “Mais si Marx n’avait jamais existé, notre monde s’en serait mieux porté.”

Souce : The New York Times

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